La jeunesse, fer de lance de la nation est malheureusement la cible privilégiée de l’industrie du tabac avec à la clé de nombreuses conséquences. » Le tabac décime la jeunesse, juste quand vous avez terminez les études vous êtes médecins ou magistrat, vous avez 30 ou 35 ans, vous avez commencé à fumer à 15 ans, vous êtes déjà exposés aux maladies graves telles que le cancer, les affections respiratoires et d’autres maladies », dixit Dr, flore Ndembiyembe, médecin, Présidente de la Coalition Camerounaise contre le tabac lors d’une interview accordée aux médias.
Au Cameroun, il existe en effet des preuves tangibles qui montrent que l’industrie du tabac cible les jeunes particulièrement en milieu scolaire.
L’enquête Tabacco Industry Accountability (TIA) menée en 2016 par la Coalition Camerounaise contre le tabac en collaboration avec l’Alliance pour le Contrôle du tabac en Afrique (ACTA) a montré une forte activité commerciale et publicitaire de l’industrie du tabac. L’étude qui a concerné 20 établissements scolaires du primaire et du secondaire de la ville de Yaoundé, a souligné la présence de 173 points de vente des produits du tabac et 44 publicités sur un rayon de 100 mètres des établissements concernés.
Du fait de la faiblesse du cadre juridique et de la non application des textes existants, l’industrie du tabac organise habituellement les séances de dégustation gratuite des produits du tabac. Pour mener ces opérations de charge, les » cigarettes girls et cigarettes boys » sont souvent recrutés et mis à contribution. Les autres stratégies de l’industrie du tabac portent sur la commercialisation des produits de tabac aromatisés et dans de petits conditionnements, ceux de moins de 20 bâtons de cigarette interdits par la réglementation camerounaise. Le soutien aux activités sportives et culturelles des jeunes dans les communautés sont d’autres approches de l’industrie du tabac pour intéresser les jeunes.
L’impact de cette stratégie agressive de l’industrie du tabac se traduit par la forte prévalence du tabagisme qu’on note en milieu jeune au Cameroun. Évaluée à 10,1%, cette prévalence ressort de l’enquête globale de la Consommation du tabagisme en milieu (GYTS) réalisée e, 2014 par le Ministère de la Santé Publique et l’organisation Mondiale de la Santé. L’enquête renseigne en effet que 20.000 jeunes âges de 13 à 15 ans sont les consommateurs réguliers des produits du tabac. On note que 31,2 de ces jeunes ont expérimenté la cigarette avant l’âge de 10 ans, 5,7% ne prennent que de la cigarette et 9,5% consomment d’autres produits du tabac.
Lorsqu’on sait que le tabac tue 50% de ses consommateurs, il y a lieu d’agir afin de sortir les jeunes du piège du tabac et de l’industrie. C’est l’objectif qui se dégage de l’édition 2020 de la Journée mondiale sans tabac commémorée le 31 mai sous le thème: » Protéger les jeunes contre la manipulation de l’industrie et les empêcher de consommer le tabac et la nicotine « .
Cet appel mondial rejoint ainsi la préoccupation du Président de la république Paul Biya. Dans son adresse à la jeunesse le 10 février 2020, il a déploré la cote d’alerte atteinte par la consommation des drogues et l’alcool en milieu jeune et a à cet effet appelé son gouvernement à plus d’action. » Lors d’un conseil Ministériel, j’avais demandé au gouvernement d’envisager la mise en place d’un plan national de lutte contre la consommation des Drogues et de l’Alcool. Celle-ci avait alors atteint la cote d’alerte au sein de la jeunesse Camerounaise. J’invite encore aujourd’hui le gouvernement à se mobiliser davantage pour lutter contre ce fléau. » a déclaré le chef de l’État camerounais.
Sur le terrain, plusieurs actions sont menées par la société civile à travers la coalition Camerounaise contre le tabac. Cette organisation apporte sa contribution significative à ce vaste chantier de lutte contre le tabac. Les actions qui produisent des résultats probants sont entre autres les nombreuses causeries éducatives et sensibilisation organisées dans les établissements scolaires de plusieurs régions du pays. Dans la foulée, les plaques d’interdiction de fumer sont apposées dans les établissements visités où plusieurs clubs antitabac ont également été crées et installés. Les outils de sensibilisation distribués par ailleurs aux différents clubs et à leurs encadreurs permettent de pérenniser les actions et les messages de sensibilisation dans ces structures d’encadrement des jeunes. Les actions de plaidoyer auprès des autorités sont aussi à noter. Dans ce cadre, les ateliers d’information et de mobilisation des acteurs du secteur de la Santé et de l’éducation ont souvent été organisés, les visites de plaidoyer chez les décideurs et les actions de dénonciation des activités irrégulières de l’industrie du tabac menées.
Toutes ces activités ont permis de faire bouger les lignes. Mais il y a lieu pour les acteurs à poursuivre avec d’autres actions à haut impact notamment l’adoption d’un texte réglementaire portant protection du domaine scolaire contre les activités marketing, commerciales et publicitaires de l’industrie du tabac, l’interdiction de toute forme de publicité de promotion des produits du tabac et de toutes les formes de parrainage par l’industrie du tabac au Cameroun.
Il est également nécessaire d’interdire l’exposition et les ventes de cigarettes à l’unité et en paquet de moins de 20 bâtons et d’instituer l’affichage de la mention » Vente interdite aux mineurs » dans tous les points de vente des produits du tabac. Des mesures et bien d’autres qui seraient salutaires, et conformes aux dispositions de la Convention cadre de l’oms pour la lutte ratifiée par le Cameroun en 2005.